La révolution de la politique de l'amiable !
12/02/2024
Le développement de la politique de l'amiable salué et encouragé par le garde des Sceaux : extrait du discours de Monsieur Etic Dupond-Moretti, Ministre de la Justice.

EXTRAIT DU DISCOURS DU MINISTRE DE LA JUSTICE (morceaux choisis)

En 2024, grâce à votre engagement à tous, nous allons passer à la vitesse supérieure.

L’idée en réalité est très simple : pour chaque dossier, chaque affaire, il faut se poser la question de la voie procédurale adaptée. Est-ce que ce litige se prête à un mode amiable. Si oui quel est le mode amiable le plus adapté ? Conciliation ? Médiation ? ARA ? Ou au contraire est-ce que ce litige mérite de suivre la voie contentieuse ?
Telle est l’interrogation qui doit être la vôtre désormais à chaque nouveau dossier.

L’amiable va en effet irriguer tous les contentieux de nos tribunaux judiciaires et administratifs. Il doit aussi être gagnant pour tous. Et c’est effectivement le cas puisque :
– Il permet aux avocats de développer un nouveau modèle économique pour leurs cabinets, complémentaire de leur activité contentieuse ;
– Il permet aux magistrats de trouver un sens nouveau à leur office ;
– Il permet enfin et surtout au justiciable de se réapproprier son procès, d’en maîtriser davantage la durée et le coût.

Mais pour parvenir à ce résultat, pour être à la hauteur des attentes de nos concitoyens, je souhaite vous donner les moyens de travailler dans de bonnes conditions.

1. C’est la raison pour laquelle nous avons publié le décret du 28 décembre 2023 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle.
Ce texte opère deux changements importants au soutien de la politique de l’amiable.

– D’abord il crée un minimum de rétribution pour les médiateurs intervenant au titre de l’aide juridictionnelle.

– Ensuite il revalorise de 50% l’aide juridictionnelle lorsque l’avocat est parvenu à trouver un accord total entre les parties.

Et c’est une petite révolution car pour la première fois, la rétribution de l’avocat qui joue le jeu de l’amiable est supérieure à celle qui sera perçue par l’avocat qui mène le dossier au contentieux devant un juge.


2. Autre outil au service de la promotion de l’amiable : la mise à disposition des chefs de cour de ressources humaines en nombre suffisant,
pour mettre en place une véritable politique de juridiction en la matière.

Vous le savez, la loi de programmation pour la justice va donner aux juridictions des moyens sans précédents = 1500 magistrats, 1800 greffiers et au moins 1100 attachés de justice qui seront répartis en fonction des besoins prioritaires de chaque juridiction. L’amiable en fera partie.

Parallèlement, nous pourrons compter, grâce à la loi organique que je viens de faire voter, sur les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et sur les magistrats à titre temporaire, pour présider les audiences de règlement amiable.

Nous avons aujourd’hui 370 MTT en juridiction et 420 magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. Et les recrutements ne sont pas terminés !

Je suis persuadé qu’un certain nombre d’entre eux seront intéressés par la présidence de ces audiences d’un nouveau genre.

La direction des services judiciaires va par ailleurs publier, dans les semaines qui viennent, un arrêté qui fixera la rémunération associée à la présidence d’une audience de règlement amiable par un magistrat honoraire ou un magistrat à titre temporaire.

3. En parallèle, nous travaillons pour améliorer la lisibilité et l’accessibilité des modes amiables pour nos concitoyens.

C’est la raison pour laquelle j’envisage de créer une nouvelle plateforme sur le site internet «justice.fr » qui permettra la mise en relation du justiciable avec un conciliateur de justice ou un médiateur.

Afin d’avancer de manière pragmatique sur cette question, une expérimentation avec les cours d’appel de Versailles et de Colmar va être lancée dans les prochaines semaines.

4. Je vous annonce également que les travaux de recodification du livre V du code de procédure civile touchent à leur fin et que nous allons pouvoir envoyer un projet de texte à la consultation avant la fin du mois de février.

C’est un travail de rédaction particulièrement délicat et je tiens à souligner ici l’investissement sans faille de la direction des affaires civiles et du sceau qui, en lien avec le Conseil national de la médiation (CNM), travaille sur la refonte des textes.

5. Enfin, j’ai installé il y a quelques jours un nouveau groupe de travail sur la diffusion de la culture de l’amiable dans les formations de l’enseignement supérieur, présidé par Monsieur jean-Christophe Saint-Pau, Président de la conférence des doyens de droit.

Dès le début de leurs études, les étudiants doivent en effet pouvoir s’imprégner de la culture de l’amiable et comprendre que les litiges peuvent se résoudre autrement que par la décision de justice.
je prendrai donc connaissance avec une grande attention des conclusions de ce groupe de travail qui me seront remises cet été.

Mais nous devons aller encore plus loin et lancer de nouveaux chantiers.

Premier objectif : renforcer l’amiable en amont de la saisine du juge.
Depuis l’adoption de la Ioi du 18 novembre 2016, une tentative d’accord amiable doit être mise en œuvre obligatoirement avant de saisir le tribunal judiciaire. Cette obligation est inscrite à l’article
750-1 du code de procédure civile.
Sont concernées certaines catégories de litiges comme les troubles de voisinage ou les demandes en paiement inférieures à 5.000 euros. A défaut d’avoir tenté de résoudre son litige à l’amiable, la demande en justice est irrecevable.

J’envisage d’étendre ce préalable amiable obligatoire à d’autres catégories de litiges et, en particulier, à tous ceux dont l’objet de la demande est inférieur à 10.000 euros.

Cela ne se fera pas d’un claquement de doigt mais nous allons faire une étude d’impact pour envisager ce nouveau dispositif et nous assurer que les acteurs de l’amiable soient en mesure de le prendre en charge.

Deuxième objectif : promouvoir l’amiable une fois l’instance introduite.
Une fois le procès engagé, l’amiable conserve en effet toute sa place, à la fois à travers l’office amiable qui est reconnu au juge et par la place faite aux conventions entre les parties dans la procédure judiciaire.

Nous allons donc d’abord renforcer l’office amiable du juge en étendant l’audience de règlement amiable et la césure à d’autres juridictions. Nous le ferons avant l’été pour les tribunaux de commerce et les chambres commerciales des tribunaux d’Alsace Moselle.
Nous l’étendrons avant la fin de l’année aux cours d’appel, dont beaucoup nous ont déjà fait des demandes en ce sens.

Nous allons également travailler à recentrer le juge sur son office premier : trancher les litiges.

A l’heure actuelle, la mise en état des affaires civiles en procédure écrite se fait dans un carcan rigide, imposé aux parties par le juge. Ce système n’apparait pleinement satisfaisant pour personne.

Pour le juge, cette phase est très chronophage, sans que son intervention n’apporte toujours de réelle plus-value.

Les avocats sont quant à eux dépendants des calendriers fixés par les tribunaux et ne maitrisent pas la temporalité de leur travail.

Pour remédier à cela, nous disposons d’ores et déjà d’un outil juridique proposé aux avocats : la convention de procédure participative aux fins de mise en état.

Par cette convention, les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la mise en état de Ieur litige, avec la possibilité d’aboutir en outre à la résolution amiable de Ieur différend.

Dans le cadre d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, comme son nom l’indique, il ne s’agit pas à titre principal de chercher à résoudre le litige amiablement mais d’en préparer le traitement par le juge via une forme d’externalisation de la mise en état.

Nous souhaitons, dans une démarche de dialogue constructive avec le Conseil national des barreaux, inciter les avocats à y recourir davantage.

Cela pourrait par exemple passer par la généralisation de l’offre préalable de mise en état conventionnelle dans le cadre de la procédure écrite devant le tribunal judiciaire.

L’intervention du juge dans la phase de mise en état sera ainsi circonscrite aux cas dans lesquels un accord n’aura pas pu être trouvé entre les avocats sur les modalités de mise en état du dossier et à ceux dans lesquels un incident de mise en état doit être tranché.

Par ailleurs, le recours à l’expertise conventionnelle par acte d’avocats sera favorisé par la possibilité de saisir un juge d’appui pour trancher les incidents ponctuels qui peuvent survenir dans ce cadre.

Une telle mesure pourrait permettre, par exemple, de régler un conflit portant sur l’impartialité de l’expert qui surgirait postérieurement au choix de l’expert par les parties.

Elle renforcerait la confiance que les parties peuvent avoir dans Ie cadre conventionnel offert par les actes contresignés d’avocats et pourrait ainsi lever certains freins au recours à ce cadre.

Mesdames et messieurs,
Vous le voyez, la politique de l’amiable est plus que jamais vivante elle s’incarne chaque jour davantage dans vos juridictions, vos cabinets ou vos permanences de conciliateurs ou de médiateurs.
Elle se construit à la Chancellerie avec de nouveaux projets de textes qui ambitionnent de vous donner les outils pour accompagner ce changement de culture.
La mise en œuvre de la politique de l’amiable est désormais notre affaire à tous ; je crois à la mobilisation des magistrats, des avocats mais aussi à celle des conciliateurs et des médiateurs.
Je crois que nous pouvons proposer à nos concitoyens une justice plus proche, plus rapide, plus humaine.